• Birmanie: des millions d'enfants au travail... (voilà qui ferait plaisir au PDG d'Air France)!

    Saw Paing Htway (d) et Min Min, deux enfants qui travaillent dans un teashop (salon de thé) à Rangoun, le 21 octobre 2015 - AFP

     

     

    Myat Noe et Aye Aye naviguent entre les tables du café pour prendre une commande ou balayer. Comme des millions d'enfants en Birmanie, l'un des pays les plus touchés au monde par le travail des mineurs, ces deux amies travaillent 13 heures par jour.

    Dans ce pays où le travail des enfants est culturellement accepté, les ONG voient la campagne électorale comme l'une des rares occasions de dénoncer cette situation.

     

    Plusieurs organisations viennent de réunir en colloque, à quelques semaines des législatives historiques du 8 novembre, une grande partie des 90 partis en lice pour les "exhorter à assurer une éducation gratuite et obligatoire pour tous d'ici 2020".

    La Birmanie est en effet le pays d'Asie du sud-est qui dépense le moins en matière d'éducation et l'un des plus mauvais élèves au niveau mondial, d'après la Banque mondiale.

    AFP

    Saw Paing Htway, 11 ans, travaille dans un café populaire (teashop) dans la banlieue de Rangoun, le 21 octobre 2015

     

    La Ligue nationale pour la démocratie (LND) de l'opposante Aung San Suu Kyi, dont la lutte contre la pauvreté est la priorité affichée, a promis de consacrer davantage à l'éducation.

    Selon le dernier recensement, 4,4 millions d'enfants de moins de 18 ans ne sont pas scolarisés dans le pays. D'après la société d'analyse Verisk Maplecroft, la Birmanie se situerait en termes de travail des enfants juste devant l'Inde et le Liberia, à la 7e plus mauvaise place.

    Le phénomène n'est pas récent mais s'est accentué avec la fin de la dictature militaire en 2011 et l'ouverture de nouvelles usines, d'hôtels, de cafés... Des entreprises à la recherche de main-d'?uvre bon marché.

    - Au travail 7 jours/7 et 13h/jour -

    A Rangoun, dans les "teashops", ces cafés populaires ouverts sur la rue où les Birmans aiment s'asseoir à toute heure pour siroter du thé au lait en parlant affaires ou politique, quasiment tous les serveurs sont des enfants, âgés parfois de 7 ou 8 ans.

    La plupart des travailleurs sont issus des minorités ethniques, viennent des zones rurales, travaillent 7 jours sur 7 et en moyenne 13 à 14 heures par jour. Dans les cafés, souvent, ils dorment sur place dans de grands dortoirs ou simplement sous les tables.

    "Je viens de la campagne et je dois aider mes parents qui n'ont pas d'argent", raconte Myat Noe, dont le prénom a été modifié. Elle n'a pas encore 13 ans et travaille depuis l'âge de 9 ans pour à peine plus d'un dollar par jour.

    AFP

    Des enfants vendent des fleurs dans la rue à Rangoun, le 20 octobre 2015

     

    En Birmanie, des lois existent pourtant, explique Piyamal Pichaiwongse, de l'Organisation internationale du travail (OIT). Mais elles "ne sont pas appliquées", constate-t-elle.

    Face à cette situation, quelques associations offrent une scolarisation partielle à ces jeunes travailleurs.

    Malgré ses yeux rougis par la fatigue, Naing Lin Aung semble boire les paroles de son professeur. Depuis six mois, trois soirs par semaine après sa journée de travail, il s'assoie autour des tables qu'il nettoie tous les jours, pour suivre des cours.

    "Je sais pas ce que sera ma vie à l'avenir, donc je veux avoir quelques notions d'anglais, d'informatique et des connaissances pour savoir me débrouiller si je suis malade...", explique l'adolescent de 15 ans, qui a quitté l'école à 10 ans.

    - L'école au café -

    L'association myME, qui scolarise 600 enfants de Rangoun et Mandalay, les deux plus grandes villes du pays, a décidé de donner les cours en plein cafés, sur les lieux même de travail des enfants, en dehors des horaires d'ouverture. Pour ceux qui travaillent dans des cafés ouverts 24 heures sur 24, la salle de classe est improvisée dans un minibus.

    Pour certains, il s'agit d'apprendre tout simplement à lire, écrire, compter. Pour ceux ayant déjà quelques notions scolaires s'ajoutent des cours d'anglais et d'informatique. Et pour tous, livrés à eux-mêmes, sans parents au quotidien, un enseignement des règles élémentaires d'hygiène corporelle.

    "La plupart des enfants travaillent toute la journée, donc ce n'est pas toujours facile pour eux de rester concentrés sur les leçons", raconte Thaw Wai Htoo, jeune professeur bénévole de l'association.

    AFP

    L'association myME donne des cours aux enfants des rues dans des minibus convertis en salles de classe, le 21 octobre 2015 à Rangoun

     

    Une autre organisation, "Scholarships for street kids" (Des bourses pour les enfants des rues), propose aussi des cours et a mis en place un système de subventions: l'association verse aux parents un complément de revenus qui correspond à la somme que leurs enfants auraient pu gagner pendant le temps du cours, explique Aye Aye Thinn, qui gère l'association, en grande partie financée par l'aide internationale comme nombre d'ONG en Birmanie.

    "Dans un pays très pauvre où le système d'éducation est en lambeaux, il est difficile de persuader les familles de l'importance de l'école pour leurs enfants", explique John McConnell, le fondateur de l'association.

    Win Shein, directeur de l'inspection du travail birmane, ne dit pas autre chose: "Le pays est pauvre et encore en développement. Les parents doivent envoyer leurs enfants travailler car un seul salaire ne suffit pas".

    Mais Tim Aye-Hardy, qui a créé l'association myME en revenant dans son pays après plus de 20 ans d'exil, est inquiet qu'une nouvelle génération entière soit sacrifiée. "Quelque 10% de la population sont des enfants de moins de 18 ans ayant quitté l'école. Quel type de travail vont-ils avoir dans le futur, et quel avenir pour eux et pour le pays ?", s'inquiète-t-il.

    Rangoun (AFP) 23.10.2015 - 19:05
     
     
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