• "La plupart des Grecs travaillent de 8 à 23 heures"

    "La plupart des Grecs travaillent de 8 à 23 heures"

     

    © Reuters

     

    Cela fait maintenant des mois que la Grèce est à la une de l'actualité. Les conséquences de la crise grecque sur le tourisme sont palpables, expliquent le Belge Willy Resmann et sa femme Dino De Mey. Le couple vit sur l'île de Rhodes où il gère une petite résidence de vacances de quatre appartements. Entretien.

    Trends-Tendances: Sentez-vous la crise ?

    Dino De Mey: "Oui. Chez nous, les réservations pour l'été se font à partir du mois d'octobre. Il s'agit surtout de clients qui ont logé chez nous la saison précédente et veulent revenir. Cependant, en janvier et février, il a fait beaucoup plus calme. Et en avril, les réservations ont cessé.

    "Depuis, la situation est inchangée. On n'a presque plus eu de réservations. Dans les grands hôtels, la situation est aussi grave. J'entends parfois qu'il n'y a que 70 clients dans des resorts qui disposent d'un staff de 70 personnes. Les touristes ont peur. Les personnes qui ont réservé me demandent s'il y a suffisamment de nourriture dans les magasins, s'ils pourront rentrer chez eux si les contrôleurs aériens sont en grève. Ils craignent également les longues queues devant les distributeurs d'argent. Mais à Rhodes cette inquiétude est infondée. Quand on a un compte belge, on peut prendre 600 euros".

    La situation sur les îles grecques est-elle très différente de celle sur le continent?

    Resmann: "Je pense, oui. Ici, il y a beaucoup plus d'agriculteurs et de gens qui vivent du tourisme alors qu'à Thessalonique, à Athènes et dans les régions industrielles, beaucoup plus de jeunes se retrouvent sans boulot. Ici, la population est plus âgée, et elle ne lutte pas contre les réformes. Un jour, un journaliste m'a demandé si les cocktails Molotov sifflaient à nos oreilles. J'ai dû le décevoir. (sourire)".

    De Mey: "Pourtant, on sent une certaine fièvre. Les Grecs font de leur mieux, parce qu'ils ont peur de l'avenir. Ils dorlotent leurs clients, ils donnent un coup de peinture à leur bâtiment. Ils ont peur".

    Les Grecs en parlent beaucoup ?

    De Mey: "Tout le temps. Dimitri, notre jardinier, nous disait encore hier: 'Il y a une dette de 35.000 euros sur la tête de mon petit garçon'. Ils calculent ce que signifie l'accord avec l'UE pour eux. Et l'avenir les inquiète".

    Que pensez-vous, en tant que Belges, de l'accord ?

    De Mey: "Il fallait agir, mais les mesures sont beaucoup trop lourdes. Ici, nous voyons les conséquences. Depuis l'accord, les contrôles du bureau des contributions grecs ont été durcis. Les contrôleurs viennent du continent ou d'autres îles, pour éviter les arrangements à l'amiable où le contrôleur connaît le gérant.

    "Ils contrôlent les tickets de caisse, pour éviter le noir. Un peu plus loin, il y a un 'lounge bar' sur la plage où il y a moyen de boire un verre et de se reposer dans un hamac. Les contrôleurs du fisc y passent trois fois par semaine. Ils vérifient tout. Quand un client boit un verre, il faut que le ticket de caisse soit déposé à côté de la boisson. La semaine passée, ils ont trouvé un coca sans ticket de caisse. Amende: 4000 euros. Quelques semaines avant, les papiers d'un de leurs employeurs n'étaient pas tout à fait en ordre. Amende: 11.000 euros. Ils choisissent vraiment les endroits où ils ont le plus de chance de pincer quelqu'un. Ils s'en prennent même aux fêtes de village".

    Resmann: "Lorsque les mesures ont été prises, la chancelière allemande Angela Merkel a proposé d'instaurer un contrôle citoyen. Traduit librement: les citoyens se dénoncent entre eux, quand ils voient ou entendent quelqu'un faire du noir. Cette proposition revient à réinstaurer la Stasi, comme dans l'ancienne RDA. Ce système aurait créé la méfiance et détruit la solidarité grecque. Heureusement, il n'a pas été instauré.

    Fallait-il une réforme ?

    De Mey: "Oui, certainement. Comme Belges, nous sommes souvent étonnés de la façon dont les choses sont réglées. Établir des factures, payer la TVA, le revenu cadastral, payer le ramassage des poubelles, tout cela ils ne connaissent pas. Ils ont remplacé ces procédures par une abondance de petites règles.

    Resmann: "Quand on connaissait le bourgmestre, on pouvait devenir fonctionnaire à la maison communale. Avec comme conséquence qu'un petit village comptait souvent 120 fonctionnaires, dont la moitié ne venait jamais travailler et dont l'autre moitié réfléchissait à toutes sortes de petites règles pour garder son poste. Un exemple : la loi nous oblige à afficher le prix de chaque appartement mis en location. À un certain moment, la loi a changé et il fallait remplacer le papier par une sorte d'autocollant. Pendant des semaines, j'ai fait des aller-retour à la maison communale pour ces autocollants. Chaque fois, on me disait qu'ils étaient "en préparation". À un certain moment, le fonctionnaire m'a dit : "La loi a de nouveau changé. Il n'y aura pas d'autocollants". J'ai répondu : "Mais à quoi occupez-vous vos journées alors ?" Sa réponse : "Expliquer qu'il n'y aura pas d'autocollants".

    Comment voyez-vous l'avenir ?

    De Mey: "C'est difficile à prédire. Les salaires ont tellement baissé. Un maçon gagne 40 euros par jour, un contremaître 50 euros. C'est intenable. Parfois, j'ai peur qu'ils doivent chercher encore plus d'échappatoires pour garder la tête hors de l'eau. Cependant, les Grecs travaillent dur. À la télévision, on voit les images d'hommes qui jouent aux cartes, mais la réalité est différente: la plupart des Grecs travaillent de 8 heures à 23 heures. Les personnes âgées passent des heures à cuisiner dans la chaleur pour les touristes".

    Resmann: "Je suis inquiet que les étudiants universitaires qui se spécialisent à l'étranger ne reviennent pas, à cause de la situation économique. Quand les connaissances s'échappent d'un pays, la prospérité générale aussi recule.

    "Je suis également étonné par un certain nombre de mesures. Pour limiter le flux monétaire vers l'étranger, je ne peux pas faire de grands paiements vers l'étranger par internet. Je suis obligé de me rendre à la banque. Imaginez ce que cela signifie pour ceux qui travaillent dans la construction et qui ont besoin de matériaux . ça ralentit tout, c'est mauvais pour l'économie.

    De Mey: "Pourtant, je crois que la Grèce remontera la pente. Les Grecs sont un peuple fier. Nulle part, on ne trouve une telle solidarité. Ils s'occupent les uns des autres. Et ils aiment philosopher. Ils me donnent de l'espoir".

    Resmann: "En plus, ils ne sont pas matérialistes. Leurs richesses se cachent dans d'autres choses: leurs plages intactes, leur nourriture délicieuse, le sentiment de sécurité, le fait qu'ici il n'y a pas de hauts buildings. C'est aussi pour ça que nous aimons tant vivre ici".

    Ilse Ceulemans 14/08/15 

    http://trends.levif.be/economie/auteurs/trends-tendances-139.html

     

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