• Caroline Constant, l'Humanité du lundi, 23 Novembre, 2015

     

    L'après assaut à Saint-Denis, les oubliés de la République veulent se faire entendre

    Photo Eric Feferberg/AFP

    Les 71 personnes évacuées de l’immeuble pris d’assaut mercredi dernier ont tout perdu.

    La mairie interpelle Manuel Valls.

    « L’Etat nous laisse tomber. » Widad Hagras, maman de trois enfants, et occupante d’un logement dans l’immeuble assiégé par la police mercredi dernier, pour y déloger des terroristes, à Saint-Denis, ne mâche pas ses mots. Lundi après-midi, lors d’une conférence de presse organisée dans la salle des mariages de la mairie de Saint-Denis, élus, habitants de l’immeuble et représentants des parents d’élèves ont fait part de leur indignation, devant le sort que l’Etat, et son représentant, le préfet de région, ont réservé et réservent encore à ces personnes qui ont tout perdu : un « je-m’en-foutisme » total, et, en filigrane, un « démerdez-vous » retentissant.

     

    La réunion qui s’est tenue en préfecture de Bobigny, hier matin, a « abasourdi » les élus dionysiens présents, résume Stéphane Peu, maire-adjoint chargé du logement. La préfecture n’a proposé de reloger que les personnes qui habitaient l’immeuble mitraillé, et pas ceux qui vivaient dans cet ensemble de bâtiments vétustes. Et dont la structure a été complètement déstabilisée par les 5000 impacts de balle, les grenades et diverses explosions subies par les bâtiments, de l’aveu même des pompiers et du patron du RAID, rappelle le maire Didier Paillard. Vingt-neuf familles, soit quarante-cinq adultes et vingt-six enfants, doivent ainsi être relogées.

     

    Elles dorment depuis mercredi dernier dans un gymnase, prêté par la ville… dont le chauffage se coupe la nuit, alors que les températures ont chuté. La préfecture, lors de la réunion, a carrément « mis en doute la dégradation de l’ensemble de l’immeuble », a indiqué Didier Paillard. Qui reproche à l’Etat de « faire fi du statut de victimes du terrorisme » de ces soixante et onze personnes. Et pour cause : aucun représentant n’a daigné jusqu’ici se déplacer à Saint-Denis. Les autorités préfectorales ont distribué hier à l’envi « environ 50 lettres, où elles s’engagent à reloger, dans des hôtels, les personnes du 48 », précise un habitant, très remonté.

     

    Cinquante lettres, soit plus que la population concernée. Et surtout : « aucune lettre n’est nominative, ce qui n’a pas valeur d’engagement ». Un expert doit passer mercredi, à la demande de la mairie, pour évaluer les dommages subis par ce groupe d’immeubles. Le maire adjoint Stéphane Peu, qui était « confiant » dans l’issue de la réunion en préfecture de mardi matin, ne décolère pas : « Ils n’ont aucune compassion pour ces familles. C’est une fin de non-recevoir ». Y compris sur le fait de donner un récépissé de leurs papiers d’identité à ces personnes qui ont tout laissé dernière elle. « Dans notre pays, quand il y a une catastrophe naturelle, comme les inondations dans le Var, l’Etat se mobilise, et c’est bien normal. Il va à la rencontre des concitoyens qui ont vécu ce drame. Pourquoi, en Seine-Saint-Denis, ces mêmes concitoyens de la même République ne méritent pas cette même considération », s’agace-t-il. Un homme blessé, en situation illégale, se serait même vu, selon le Parisien, fait remettre, à l’hôpital, une obligation de quitter le territoire français. « C’est une accumulation de faits impensables ». Les deux élus demandent à être reçus par Manuel Valls.

    Certains, explique le maire, souhaitent être relogés à Saint-Denis, où ils ont un réseau de parents et d’amis. D’autre se fichent de l’endroit où ils peuvent atterrir, pourvu qu’ils puissent exercer leur solidarité. Widad l’affirme, « on n’est pas habitués au luxe et au confort. On n’est même pas obligés d’avoir plusieurs chambres. Mais ça ne veut pas dire qu’on va accepter n’importe quoi. » Mais l’Etat ne leur reconnait pas le statut de victime, refuse même toute indemnisation (alors que ces personnes ont tout perdu). La plupart de ces logements terriblement insalubres ne sont plus accessibles du tout pour leurs occupants. Ils font d’ailleurs l’objet d’un arrêté de mise en péril imminent depuis 2012, et devraient être interdits à la location. Une proie pour les marchands de sommeil qui louent sans vergogne ce type d’appartements vétustes. Priscilla, habitante du « 48 », raconte ainsi que chez elle, le toit s’est effondré, et que ses enfants doivent subir une prise de sang pour vérifier s’ils ne sont pas atteints de saturnisme », une maladie créée par des peintures au plomb…  Les parents d’élèves font part de la terreur et de l’angoisse chez les gens du quartier.

    Didier Paillard et Stéphane Peu ont demandé un rendez-vous au Premier ministre Manuel Valls. Pour le moment, il n’y a pas donné suite.

    Caroline Constant 

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    "Le flic m'a dit: 'tu vas prendre trente ans'..."

    Propos recueillis par Alexandre Fache

    Mercredi, 25 Novembre, 2015 - Humanite.fr

    L'après assaut à Saint-Denis, les oubliés de la République veulent se faire entendre

    Blessés par le Raid et bientôt expulsés

     Comme Ahmed ou Nordine, plusieurs travailleurs sans-papiers de l’immeuble pris d’assaut par la police sont visés 
par des procédures d’expulsion.

     Assailli, blessé, gardé à vue, placé en rétention... Nordine Touil, 31 ans, sans-papier marocain qui habitait au dessus de l'appartement visé par le Raid mercredi dernier à Saint-Denis, raconte, depuis le centre de rétention de Vincennes où il a été placé, sa semaine de « cauchemar ».

    Nordine Touil, marocain de 31 ans, vit en France depuis douze ans. Il a une petite fille de sept ans, française comme sa mère, dont il est séparé. Jusqu'à mercredi dernier, il habitait avec deux amis, marocains eux aussi, dans l'immeuble de la rue du Corbillon, à Saint-Denis, où le Raid est intervenu pour déloger Abdelhamid Abaaoud et ses acolytes. Joint hier à l'intérieur du centre de rétention administrative de Vincennes, il raconte l'assaut des forces de police, le déluge de feu, cette balle qui l'atteint au bras gauche, l'arrestation musclée, la garde à vue à Levallois et, pour solde de tout compte administratif, l'obligation de quitter le territoire notifiée par la police. « Tu vas prendre 30 ans, pas parce que t'es terroriste, mais parce que t'es con », lui aurait même lancé un policier vendredi dernier, à quelques heures de la fin de la garde à vue. Choqué et inquiet, il se confie.

     

    "Le flic m'a dit: 'tu vas prendre trente ans'...

    « C'était un cauchemar. Il était quatre heures du matin, on était en train de dormir. On a entendu un grand boum. Je suis sorti de mon lit pour voir ce qui se passait, je suis allé à la fenêtre, et c'est là qu'on m'a tiré dessus. J'ai été touché au bras gauche. Ensuite, les policiers ont cassé la porte et sont rentrés dans mon appartement; ils ont crié: "Déshabillez-vous! Déshabillez-vous!" Ils nous ont embarqués, à poil, en nous mettant des tartes, des claques, des coups de matraque. On est resté comme ça deux heures, dans le froid, au bas de l'immeuble. Evidemment, on n'a rien pu prendre, aucune affaire, aucun papier, pas d'argent. Tous les documents que j'avais et qui prouvaient ma présence en France depuis douze ans, ils sont restés là-bas, dans l'appartement. Je ne sais pas s'il en reste grand chose. Ensuite, ils nous ont donné des pantalons trop grands, des chaussures trop serrées. Quelle vie de chien...! »

     

    La garde à vue à Levallois

     "Ensuite, les policiers m'ont emmené à l'hôpital pour soigner mon bras. J'ai été opéré pendant plusieurs heures, je ne sais plus combien exactement. Le mercredi midi, je suis sorti de l'hôpital et ils m'ont emmené au commissariat de Levallois (sans doute au siège de la sous-direction antiterroriste, situé dans cette ville des Hauts-de-Seine - NDLR). Avec mes amis, on a été transféré avec des bandeaux sur les yeux. Ils nous les mettaient aussi quand on passait de la cellule à la salle d'interrogatoire. On nous a dit qu'on avait le droit de voir un médecin et d'avoir un avocat. J'ai demandé les deux, ils ont amené le médecin, mais pas l'avocat. Là-bas, ils ne nous ont pas frappés, mais ils nous ont posé tellement de questions, c'était terrible. "Est-ce que vous êtes musulman? Est-ce que vous faites la prière?" J'ai dit 'oui, je suis musulman, mais pas pratiquant'. "Est-ce que vous connaissez Daech?" Oui, parce que je regarde la télévision, et qu'ils en parlent souvent à la télé. "Est-ce que vous savez ce qu'est le Takfir (l'anathème jeté par certains extrémistes islamistes contre ceux présentés comme de 'mauvais musulmans' - NDLR)?" J'ai dit non, que je ne connaissais rien à tout ça. Ils m'ont demandé qui venait chez moi, qui je connaissais, où j'étais le 13 novembre, si j'allais en Belgique... J'ai dit oui, une fois, en 2008. Plein de questions que j'ai oubliées... Au bout de deux jours, ils ont fini par nous amener un avocat. Mais il nous a à peine parlé, ne nous a rien expliqué. Je dirai qu'au bout de 24 heures, ils avaient compris qu'on n'avait rien à voir avec les terroristes. Mais ils nous ont quand même gardés presque quatre jours! Résultat, je dors mal, je me réveille au milieu de la nuit, je fais des cauchemars."

    La rétention à Vincennes 

    "Le vendredi soir, un flic est venu me voir pour me dire: 'Toi, t'es dans la merde. Tes potes, ils vont sortir, mais toi, tu vas rester ici, tu vas prendre 30 ans. Pas parce que t'es un terroriste, mais parce que t'es con.' C'était pour me faire peur. Mais ça a marché! Toute la nuit, j'ai pas arrêté de penser à ça. Trente ans... Alors que je n'ai rien fait. Le samedi, la garde à vue était terminée, et ils nous ont dit qu'on devait quitter le territoire. On a été amené au centre de rétention de Vincennes. Là, les choses se sont un peu calmé. On a pu voir une association, qui va nous mettre en relation avec un avocat. Et on doit voir le juge jeudi, c'est lui qui doit décider si on doit rester ici ou si on est libéré. Au moment où je vous parle, j'ai mal à mon bras, j'ai trop mal. Ils ont changé le médicament, je crois. Ma main est gonflée 'grave'! J'ai pas encore réalisé ce qui m'arrive. Je suis encore sous le choc. J'ai maigri. Je faisais 80 kilos, j'en fais plus que 66. Vous vous rendez compte, j'ai perdu 14 kilos en une semaine! Et si je parle aujourd'hui, c'est parce que je veux que tout le monde sache que je n'ai rien à voir avec les terroristes et que je suis une victime."

     

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  • Sélim Nassib - Fille de Gaza.

    Sélim Nessib, né à Beyrouth en 1946, vit en France depuis le début des années 1970. Longtemps journaliste pour Libération où sa situation de juif et d'Arabe lui permet de percevoir les ressorts complexes du Moyen-Orient, il est également l'auteur du roman Un amant en Palestine (Robert Laffont). - Asmaa est née en 1982 à Rafah, dans un camp de réfugiés palestiniens au sud de la bande de Gaza. Elle est une collaboratrice régulière du Monitor, un site d'information qui traite de l'actualité du Moyen-Orient

     

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  • Janis

    Titre original  Janis: Little Girl Blue

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  • Affiche du film : Allende mon grand-père

    1h37min | Sortie le 09 décembre 2015 | Chili

     

     

     

     

     

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  • RENCONTRE DEBAT DES REGIONALES AVEC DES UNIVERSITAIRES, DES SYNDICALISTES, DES CANDIDATS DU FRONT DE GAUCHE

    La mer en Bretagne a fait vivre des générations d’hommes dans la pêche, la construction navale, la transformation du poisson…
    La mer c’est aussi des enjeux environnementaux et alimentaires importants, une source d’énergie, de transport, de loisirs qui nous concerne tous...

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